"Perdido Street Station", par China Miéville
Roman, publié en français en deux tomes, car les éditeurs français sont des arnaqueurs, c'est bien connu. En tout, ça doit faire environ 900 pages et c'est le gros-one-shot-de-fantasy-réputé que je découvre cette année (si certains d'entre vous ont des suggestions détaillées dans cette catégorie pour les années suivantes, je prends).
C'était très bon. Comme
Le scénario principal, celui-là même qui met longtemps à démarrer, est une histoire d'horreur, avec des créatures volantes qui dévorent les rêves et l'inconscient, et qu'on ne peut pas regarder autrement que dans un miroir sous peine d'être entièrement fasciné, qui terrorisent la ville. Et bien sûr, il n'y a pas que les personnages principaux qui sont impliqués, mais aussi le gouvernement vaguement fasciste, les seigneurs de la pègre, et quelques forces occultes plus ou moins incompréhensibles. La construction est bonne, le genre que j'aime bien avec plein de petits détails qui se recollent, mais où tout n'est pas totalement expliqué (bon, je dois avouer, ce dernier point ajoute au réalisme et à l'ambiance mystérieuse, mais est un peu frustrant parfois ^^).
Par contre, la fin est un rien désespérante, mais bon, ce n'est pas comme si l'auteur essayait de faire croire que tout allait être joyeux. ^^;;
La traduction française m'a semblé bonne. C'est surprenant, tout est traduit, y compris une bonne partie des noms propres de lieux ou de personnes, mais ça contribue à créer une ambiance, en fait.
"Salomé", "Lady Windermere's Fan" et "The Importance of Being Earnest", par Oscar Wilde
Parce que j'avais lu un roman et des nouvelles d'Oscar Wilde, et même un peu de poésie, mais pas de théâtre. Environ 40 + 70 + 80 pages, dans cette édition.
"Salomé" est de la courte tragédie poétique, et je me suis fait avoir en achetant cette version sur une brocante, parce qu'apparemment c'est un cas où le français est la version originale. ^^ Mais c'était joli (quoique un peu anecdotique à mon goût), avec des sentiments exacerbés qui cherchent plus la poésie d'un langage biblique que la psychologie, et de jolies métaphores. Et puis c'est une réécriture mythologique, alors. ^^
Les deux autres pièces m'ont donné un peu l'effet de "la pièce qui va autour des citations" (plus encore que pour Shakespare, qui est parfois accusé de ça) ; beaucoup de répliques sont cyniques et brillantes, et souvent citées dans des recueils de citations sous le nom de Wilde (souvent sans que personne se pose la question de savoir s'il était d'accord avec ses personnages). Sinon, les personnages et leurs relations m'ont semblé un peu creux. Dans "Lady Windermere's Fan", qui est censée être une pièce vaguement sérieuse, c'était un peu dommage. Dans "The Importance of Being Earnest", qui est une pièce purement humoristique, c'était beaucoup moins gênant, et j'ai trouvé ça très fun. (Heureusement que le malentendu entre Gwendolen et Cecily n'a duré qu'une scène, par contre, avec mon squick sur les quiproquos, c'était pénible à lire).
"Contes nordiques", par G. Bourdoncle
Environ 180 pages, un vieux livre de contes de Norvège, Suède et Islande, édité en 1935. Contrairement à ce qu'on voit souvent dans les livres de contes un peu vieux, le style d'écriture est simple et le récit rarement moralisateur. Parfois c'est même le contraire, et j'ai envie de me demander comment le héros peut être considéré comme le gentil (mais au moins, on n'essaie pas de nous le faire croire, quand il harcèle une fille pas intéressée jusqu'à ce qu'elle l'épouse sous le chantage) ou de nous demander comment le même personnage peut faire des actions aussi sympathiques et des aussi horribles sans que ce soit même un point de scénario ^^.
Beaucoup de contes, ceci dit, sont des histoires que je connaissais déjà, soit parce que ce sont des classiques (Le Maître Larron, Histoire du forgeron que le diable ne voulait pas admettre en enfer), ou des classiques sous un autre nom (il y a deux contes légèrement différentes qui sont des réécritures de celui qu'on connaît sous le titre Dick Wittington et son chat, et une version alternative et moins bien écrite du Camarade de voyage d'Andersen), ou des contes composites faits de bouts qu'on connaît (Le géant et la cathédrale est un composé bref et sans relief de la légende de la création d'Asgard et de Rumpelstiltskin). Oh, et deux de ceux qui sont vraiment originaux ont été re-racontés, là aussi d'une façon que je préfère, par Bernard Clavel dans Légendes de la mer (La tempête et Les phoques).
Ceci dit, le style un peu dépouillé et vide permet aussi de lire très facilement, très rapidement, et donc d'avoir quand même une bonne densité de petits détails que je ne connaissais pas, même quand c'est dans une structure que je connais, et comme je l'ai lu très, très vite, je ne regrette pas. Et puis il y a pas mal d'histoires de sorcières, de diable, et de trolls (les deux derniers parfois identifiés), donc ça m'intéresse.
Dans mes contes préférés, il y a Kitta, l'histoire d'une sorcière qui est en théorie alliée au diable mais le déteste, un des rares cas où les sauts violents du personnage principal de chaotique bon à chaotique mauvais servent le personnage au lieu de le rendre incohérent, Le voisin, parce que c'est centré sur le voisin féérique d'un vieux solitaire et leur relation est fun, Torre Jeppe parce que l'héroïne de cette histoire de fantômes est très cool, à la fois badass, de bon sens et humaine.
"La Taupe", par John Le Carré
Roman, environ 400 pages. Conseillé par
Alors, c'est un roman d'espionnage, le premier que je lis je crois. Ca n'a rien à voir avec un film de James Bond. ^^ Le personnage principal est un homme d'un certain âge, Smiley, qui revient (non-officiellement) de sa retraite pour démasquer un espion anglais très haut placé qui est une taupe des communistes (toute ressemblance avec des personnes existant ou ayant existé serait pure coincidence). Il passe environ la moitié du livre à lire des dossiers, et à se rappeler des souvenirs personnels pour faire des recoupements. Parfois, il y a un peu d'action dans les flashbacks. Et un peu à la fin aussi. Mais bon, voilà, c'est de l'espionnage, et donc ce qui compte est l'information. Bien sûr, j'aime beaucoup ce genre d'histoires, où tout le monde essaie sans cesse de tromper l'autre camp, où les minuscules précautions niveau secrets deviennent très importantes, avec quelques piles de manipulation dans tous les sens. :-) Quand on y repense après coup, ou qu'on relit des passages une fois qu'on a tout recollé, c'est très satisfaisant, mais au moment où on lit, on a parfois l'impression d'être dans l'exposition jusqu'aux trois quarts du livre.
Les passages d'émotion sont subtils, mais il y en a plus qu'on pourrait croire, des amitiés viriles où on ne réussit jamais à faire entièrement confiance, des fois où on présente la faiblesse de s'identifier à des agents de l'autre camp, beaucoup de nostalgie, les souvenirs de Smiley de sa femme qui l'a trompé... Aussi, du slash à peu près canon. ^^ Plus j'y pense, plus je shippe Jim/Bill, et plus je suis malheureuse qu'on n'ait pas eu plus de background. (Et si ils coupent leur relation dans le film, ce qui est probable, je copierai sur mon LJ la lettre de recommandation que Bill a écrite pour Jim quand il l'a fait engager au Cirque, parce que OMG slash ^^)
On me dit qu'il existe une suite,
"Contes des monts et merveilles", par Vladimir Reis
200 pages, un des livres de contes Gründ que j'aime beaucoup. Cette fois-ci, ce sont des contes européens d'origine variée. Il y en a certains que je connais, beaucoup dont je connais des variantes (Doucette est une version italienne subtilement différente de Raiponce) ou différents arcs de scénario enchaînés de façon différente, et juste quelques-uns que je ne connais pas du tout. Par contre, les dessins sont superbes, plein d'illustrations de la fin du 19e siècle et du début du 20e, pas mal de trucs genre art nouveau.
Mes préférées, comme souvent, sont des histoires où les personnages entrent en contact avec des démons ou des fées, et qui reflètent bien leur nature étrangère et fascinante. Aucun dont je sois totalement fangirl, ceci dit, mais plusieurs qui ont de très bonnes idées et m'auraient encore plus plu en changeant quelques points de détail (qui auraient rendu les personnages plus sympathiques ou l'histoire plus logique à mes yeux), par exemple Le fils de la fée, Jack et l'ondin, Le moulin du diable.
"Les pédicures de l'âme", par Pierre Dac
Roman, environ 250 pages. Je dois avouer que j'ai été très déçue par celui-là. J'avais adoré "Signé Furax", qui est une histoire d'enquête, de sectes, d'identités secrètes, etc, le tout en mode humour complètement absurde avec une narration décalée qui part dans des trips sans rapport et des jeux de mots tellement nuls qu'ils en deviennent bons.
Dans "Les pédicures de l'âme", Jean-Marie-Leopold Sallecomble, après de longues années loin de son village de Villeneuve-la-vieille (anciennement Villevieille-la-neuve), rentre chez lui et crée un cercle philosophique nommé, justement, les pédicures de l'âme, car l'âme est l'assise du psychisme comme les pieds sont celle du corps, et donc, doivent être entretenus de façon comparable.
Et ensuite, rien ne se passe, à part de longues discussions complètement jetées entre Leopold et ses disciples. Je n'ai pas aimé, parce que je trouve la plupart des personnages à baffer. Contrairement à "Signé Furax", je peux apprécier au second degré, voire rire beaucoup, mais pas au premier. Je ne m'intéresse pas à ce qui va arriver. Bien sûr, c'est pour l'effet parodique, mais voir le personnage principal se faire acclamer mondialement et aveuglément pour des raisonnements complètement pipo, de la sociopathie de comédie, des attitudes sexistes et blagues vulgaires dont on ne sait pas exactement à quel degré il faut les prendre... même en mode absurde, ça m'a énervée.
Ensuite, j'avoue qu'il y a certaines tournures de phrase qui m'ont fait exploser de rire. Mais ça reste une grosse déception par rapport à ce que je connais et que j'aime de Pierre Dac d'habitude.
"Le livre des fantômes", suivi de "Saint-Judas-de-la-nuit", par Jean Ray
Environ 320 pages (200 + 120). Encore des nouvelles fantastiques de Jean Ray, et vraiment, j'aime énormément ce qu'il fait. Son style parfois très prosaïque, et parfois qui part dans tous les sens. Ses cadres surnaturels qui sont inspirés de légendes et craintes universelles, mais qui pourtant ont toujours cette pointe d'originalité qui fait que l'histoire fascine, alors même qu'on aurait pu penser en avoir lu des centaines pareilles. J'ai du mal à la définir. Je peux même lui pardonner sans aucun mal que plusieurs fins restent ouvertes, frustrantes, sans vraie explication.
Mes préférées : "La vérité sur l'oncle Timotheus", dans laquelle un petit bonhomme minable est en fait la Mort par interim, "Ronde de nuit à Koenigstein", dans laquelle un ange de Jupiter se révèle presque plus dangereux et chaotique que les démons, et "Saint-Judas-de-la-Nuit", une sorte d'enquête sur les équivalents des saints, mais du côté de l'enfer. Sinon, "L'histoire de M. Marshall Grove", avec l'ancien biologiste possédé par un serpent, est assez fascinante, mais pour le coup, elle manque trop d'explications à mon goût, le rythme est trop lent au début et trop rapide à la fin, à tel point que c'est lampshadé par l'auteur. ^^
"Feux", par Marguerite Yourcenar
Conseillé et prêté par
Et donc, j'ai beaucoup, beaucoup aimé. Le style est toujours magnifiques, avec des images qui réussissent à la fois à faire sens au niveau des idées et des symboles, et pourtant à avoir toujours le mystère inconscient de l'écriture poétique.
Et je voudrais pouvoir le recommander plus, mais il m'est difficile de trouver les mots pour exprimer combien je trouve ça beau.
Je vais recopier quand même la partie de la préface qui est sur la quatrième de couverture. Dans "Feux", où je croyais ne faire que glorifier un amour très concret, ou peut-être exorciser celui-ci, l'idôlatrie de l'être aimé s'associe très visiblement à des passions plus abstraites, mais non moins intenses, qui prévalent parfois sur l'obsession sentimentale et charnelle : dans "Antigone ou le choix", le choix d'Antigone est la justice ; dans "Phédon ou le vertige", le vertige est celui de la connaissance ; dans "Marie-Madeleine ou le salut", le salut est Dieu. Il n'y a pas là sublimation, comme le veut une formule décidément malheureuse et insultante pour la chair elle-même, mais perception obscure que l'amour pour une personne donnée, si poignant, n'est souvent qu'un bel accident passager, moins réel en un sens que des prédispositions et des choix qui l'antidatent et qui lui survivront.
"Histoires de la lande et de la brume", par Jean Ollivier, illustré par Paul Durand
Livre de contes celtiques, environ 80 pages, prêté aussi par
Et l'écriture elle-même est assez centrée sur l'ambiance souvent effrayante mais fascinantes, les détails bien spécifiques à la culture celtique. C'est bien raconté, les petits détails de la vie quotidienne et des superstitions ajoutent à la caractérisation au lieu de casser le rythme. On voit souvent apparaître des figures classiques et nommées, Puck, Morrigan, les chevaliers de la Table Ronde, l'Ankou... Il y a aussi, de façon assez surprenante pour des contes, des lieux géographiques précis, quelques dates, et même une référence au joueur de flûte de Hamelin, pas en conte emboîté, non, où les événements sont vraiment réels et les personnages les rencontrent.
En bref, je comprends la recommandation. Même pour un livre de contes, qui est un genre que j'aime par défaut, c'était chouette !
Progression : Fini (69/52)
"Risques de lecture" : Perdido Street Station, le théâtre de Wilde, La Taupe, Les pédicures de l'âme -> 23/26